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Un disque sur la lune

 

  C'est une question que je me suis souvent posée. Et que je me pose toujours. Imaginons : c'est l'apocalypse, la fin du monde, il faut quitter la Terre et partir en catastrophe sur la lune, mais il n'y pas beaucoup de place et encore moins de temps. Il n'est possible de n'emmener qu'un seul disque, et dans l'urgence. Lequel choisir ?

 

  Autre scénario : Un virus ravage la planète, transformant la plupart de nos semblables en zombis assoifées de cervelle et de sang. Il n'y a que très peu de survivants et nous sommes face à un immense danger ; il faut fuir fuir sur un île déserte. Malheureusement, ma valise est minuscule et ne peut contenir en plus de quelques caleçons, T-shirts, peluches et brosses à dents jetés dans l'urgence, un seul disque. Alors?

 

  3ème hypothèse : Nicolas Sarkozy est réélu président de la République en mai. Il faut quitter le pays précipitamment et fuir vers la jungle tropicale... Non je déconne. Quoique...

 

  Bon, à bien réfléchir, mon choix est vite fait, et depuis longtemps. Comme vous le voyez, je suis bien préparé à l'apocalypse. Et à part un miracle musical dans les mois qui viennent, ce dont je doute, je sais quel disque j'emmenerais depuis une bonne quinzaine d'année.

 

  Le suspense étant intenable (je peux sentir votre tension, palpable), le voici enfin dévoilé :

 

 

 

 

 

Portishead - Dummy (1994)

 

  Voilà. Si je ne devais en garder qu'un, ce serait celui-ci. D'ailleurs, si je devais en garder plusieurs, ils seraient issus des années 90. Normal, c'est toute l'époque de ma jeunesse, de la folie, celle qui m'a forgée, qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui.

 

  Pourquoi celui-ci, me direz-vous?

 

  Parceque ! C'est comme ça. Ca ne s'explique pas. Ecoutez plutôt Glory Box, Sour Times, Roads  et peut-être que vous comprendrez (Pour ceux qui ne connaissent pas encore). Cette voix. Ce son. Cette ambiance. On aime ou pas, point.

 

  C'est impossible à décrire. Bon, j'en entends déjà qui disent "Ben dis-donc, ça va être gai sur la lune". Ben ouais. Et je vous emm...

 

 

 

Chronique :

 

 

  Avis aux dépressifs : écouter en entier ce disque peut lourdement aggraver votre cas. Pour tous les autres : effets secondaires lacymaux possibles.

 

 

  Ce fut une expérience incroyable que de glisser ce CD (et oui, les années 90 c'était la préhistoire) pour la première fois dans un lecteur.


  Dès les premières notes, on est transportés dans le futur, pour toujours. On se voit déjà dans les années 2000. Ce disque est d'ailleurs une machine à explorer le temps. Car dès que Beth Gibbons pose sa voix sur les sons synthétiques et furieusement modernes, on revient par contre dans le passé. Années 50? 20? 30? 70? J'en sais rien en fait, je ne connais pas assez ces époques (musicalement) pour le dire. Et puis on s'en fout. Ce n'est pas ce qui est important.

 

  C'est tout bonnement incroyable. Non? Le son est résolument hip-hop (scratchs, boîtes à rythmes) mais l'ambiance reste soul, unique, indéfinissable. On imagine les sessions enregistrées en apesanteur, dans l'espace. Du jamais vu pour l'époque. Ou plutôt si, il y a déjà eu Massive Attack, Tricky, mais là, on passe dans un autre monde, une nouvelle planète, une nouvelle galaxie... Un monde vierge et nouveau à explorer, abrupt, inhospitalier, inquisiteur.


  Bref, le premier morceau, Mysterons, passe. Je suis éberlué, sonné, presque KO. Ce que je ne sais pas encore, c'est que le meilleur reste à venir.

 

  Arrive en effet Sour Times. Et là, je vous le dis mes amis, c'est la grande claque. une immense baffe venue d'on ne sait où et dont vous allez bien avoir du mal à vous relever (surtout les dépressifs, dans le cas où ils auraient tenu jusque là).

  Ce morceau est en quelque sorte la quintessence même de ce style tout jeune à l'époque, le trip hop, inventé selon la légende quelques mois plus tôt par le sus-cité Tricky. Et c'est tout bonnement incroyable. Ca commence comme si Ennio Morricone avait rencontré le Wu-Tang Clan dans un abysse spatio-temporel puis, une fois que Beth pose sa voix, comme si Sergio Leone avait eu l'idée de génie de réaliser un Frankenstein, d'en faire un western spaghetti, et de le tourner sur le vaisseau du premier Alien.

  C'est glauque, ça pue, ça suinte, mais p... qu'est-ce que c'est beau. 

 

  Et ça continue encore et encore. C'est que le début... Bon, OK, j'arrête. Le voyage se poursuit et le groupe de Bristol nous offre au (lent) cours de cet album et au fil des morceaux d'une beauté sale un impressionnant voyage à l'intérieur de nous-même, dans les profondes crevasses de notre subconscient (à peu de frais, pas cool pour les psychologues), jusqu'au chef d'oeuvre final : Glory box. Entre-temps, il y a eu les excellents Wondering Stars, It's a Fire, et surtout Roads (une tuerie). Diverses émotions mélangeant nostalgie du passé, mélancolie du présent et espoir dans le futur sont remontées à la surface. On est complètement bouleversé. Mais on a bien fait d'attendre la fin.

 

  Glory box. Tout simplement MA chanson préférée (juste devant Another Brick In The Wall pt.2 des flamands roses et quoi que Roads a aussi et quand même sacrément de la gueule), le chef d'oeuvre parmi les chefs d'oeuvre. Ca commence tout en douceur et retenue, avec un tact infini, la voix de Beth Gibbons est tout simplement... indescriptible, atemporelle. Une synthèse du vingtième siècle en fait : une guitare rock, une basse planante, un sample d'Issac Hayes, un beat hip-hop, un break new-wave et une voix, mon dieu, une voix d'une beauté étourdissante, jazz, soul, tout ce que vous voulez.

  "This is the beginning of forever, and ever". Tu m'etonnes, John. Dix ans plus tard, cet album n'a (quasi) pas pris une ride et je peux l'écouter en boucle sans que ne perle le moindre sentiment de lassitude.

 

 

Allez, vite, dans la valise...

 

 

 

Car l'Apocalypse approche...

 

 

 

Note : 5/5 



11/01/2012
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